Il faut souvent marcher un peu, quitter la route, traverser les fougères ou descendre un sentier, pour les apercevoir. Et c’est ce qui les rend si précieux. Les ponts génois de Corse ne s’offrent pas, ils se découvrent.
Perchés au-dessus d’un ruisseau, noyés dans la végétation ou suspendus au silence, ils semblent hors du temps.
Construit en pierre locale, sans mortier apparent, chaque pont est un chef-d’œuvre d’équilibre et de résistance. L’arche unique, presque toujours en dos d’âne, épouse la rivière comme une trace de passage délicate.
L’essentiel :
- Environ 100 ponts génois subsistent en Corse, bâtis entre le XIIIe et le XVIIIe siècle
- Ils témoignent du génie architectural de l’époque et d’un réseau de communication ancien
- La plupart sont nichés en pleine nature, au bord de rivières ou sur d’anciens chemins muletiers
- Ils offrent aujourd’hui des points de passage paisibles pour randonneurs, photographes et amoureux de lieux oubliés
D’où viennent-ils ? Une histoire méconnue
Entre les XIIIe et XVIIIe siècles, la Corse est administrée par la République de Gênes. Pour contrôler l’île, elle développe un vaste réseau de routes commerciales et militaires. Dans une région montagneuse où chaque vallée est un monde, les ponts deviennent essentiels pour relier les villages entre eux, franchir les rivières, faire circuler marchandises et informations.
Ces ponts génois — construits pour durer — sont posés là, sans grand apparat, mais avec une incroyable intelligence du terrain. Ils sont aujourd’hui l’un des rares vestiges visibles de cette période, restés en majorité intacts malgré les siècles.
Ce qu’ils racontent
- Une île en réseau, bien avant l’époque moderne
- Une capacité d’adaptation à la nature plutôt qu’une volonté de la dominer
- Une culture de la discrétion, de l’usage, de la durée
Certains servaient encore jusqu’au début du XXe siècle pour faire passer troupeaux ou charrettes. Aujourd’hui, ils sont devenus des haltes paisibles pour les randonneurs, des décors prisés pour la photo, ou simplement des lieux où s’asseoir, écouter l’eau et le vent.
5 ponts génois emblématiques
📍 Ponte Novu (Castello-di-Rostino)
Celui dont le nom a traversé l’histoire, lieu de la célèbre bataille de 1769. Il enjambe le Golo, dans une vallée profonde. Accessible depuis la route, il est classé monument historique.
📍 Ponte Vecchiu (Vivario – Restonica)
L’un des plus photogéniques, sur la route de la vallée de la Restonica. Cadre spectaculaire, rivière claire, et roches polies pour la baignade.
📍 Pont de Zippitoli (Bocognano)
À deux pas de la cascade du même nom. Un parfait exemple d’arche de pierre, au milieu d’une forêt dense.
📍 Pont d’Altiani (Haute-Corse)
Très bien conservé, près de l’ancien chemin reliant Corte à la côte. Idéal pour un pique-nique au bord de l’eau.
📍 Pont d’Asco (vallée de l’Asco)
En granit rose, posé sur une rivière cristalline : un lieu magique au cœur du maquis corse.
Comment les explorer ?
- 🥾 Randonnées : plusieurs sentiers du GR20 ou du Mare a Mare croisent ces ponts
- 🚗 Accès en voiture : certains sont visibles depuis la route, d’autres nécessitent une courte marche
- 🗓️ Meilleure saison : printemps (pour les rivières pleines et le vert du maquis) ou début d’automne (moins de monde, lumière douce)
- 📷 À emporter : bonnes chaussures, appareil photo, maillot de bain pour les vasques naturelles
💡 Respectez les lieux : ce sont des monuments non surveillés, parfois fragiles. Ne grimpez pas sur les pierres, ne jetez rien dans les rivières, et gardez ces lieux aussi purs que vous les avez trouvés.
Une autre façon de voir la Corse
Oubliez les plages bondées ou les routes de crête. Suivre les ponts génois, c’est s’enfoncer dans une Corse intime et silencieuse, à l’écart des grands itinéraires touristiques. C’est marcher dans les pas des bergers, des muletiers, des soldats.
C’est aussi, peut-être, remettre du temps long dans un voyage, là où chaque pas vous rapproche d’un lieu qui tient encore debout, simplement parce qu’il a été bien fait.
